samedi 12 juin 2010

Est-ce que le lien à la création de l'art n'a pas à voir avec la difficulté de l'être?



"Pourquoi as-tu acheté ça ? C'est un cadeau d'Alexandre. Ah oui? Oui. Tu crois qu'il voulait te dire quelque chose? Non. Il ne savait même pas de quoi il s'agissait.
On peut emmêler sa vie à des œuvres. Ce que l'on vit rencontre ce que l'on regarde, ou ce qu'on lit vient s'entrelacer dans la trame des perceptions réelles. Par exemple, une musique peu à peu s'associe, pour l'éternité de notre esprit, à un moment vécu. On peut attarder, étirer l'instant dans l'œuvre, l'y faire tant traîner que se tisse le lien mental insécable entre ce temps et la contemplation. On peut peut s'alanguir dans l'émotion qui naît, s'estompe, renaît, resurgit à chaque contact de l'œuvre. Elsa Platte jouait à ce jeu depuis l'enfance. "



"Tout va très bien, je te remercie.
Pourquoi ne veut-on pas dire sa peine, et la difficulté d'être, et les violences que l'on subit, et l'intense sentiment d'injustice qui parfois nous poignarde ? Parce que l'on sait que ça ne sert à rien ? Par ce qu'on éprouve la déception des autres, leur indifférence que ne submerge la mer d'aucune émotion, et l'impossible communion ? Une danseuse savait comment chacun restait enfermé dans sa peau et ne connaissait vraiment que la seule sensation de son être vivant. C'était une chose navrante."


"Elle n'a pas supporté...Il n'a pas supporté...Qui supportait encore quelque chose ? pense Elsa. Qui concevait qu'un autre fût irremplaçable et méritât quelques sacrifices ? Les amours étaient-ils interchangeables ? Elsa disait : Chacun de nous élit un être indispensable, unique, irremplaçable. Et cette élection est une décision dont la cause le plus souvent nous échappe. Si nous ne savons pas décider, c'est l'être unique qui nous échappe.

L'écran était noir. Le baiser avait disparu."


" Et je t'effacerai de ma mémoire tendre pour annuler ma peine, nier mon amputation, cesser d'en souffrir chaque matin et chaque soir, dans les draps vides, sans ta tête à mon côté sur l'oreiller qui demeure tien, et le restera jusqu'à ce qu'un autre vienne y laisser des cheveux et l'empreinte de sa tête dans la nuit. C'était bien ce qu'Elsa Platte dirait à Alexandre si il ne revenait pas. "


[extraits de "Paradis conjugal" d'Alice Ferney. ]

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